Le 30 mai dernier s’est déroulée la première activité organisée par BeABLE_Sciences : une table ronde intitulée « Quel avenir pour la recherche scientifique en Belgique francophone ». Celle-ci a permis de confronter les points de vue et de créer le dialogue entre les politiciens et les scientifiques.
Les programmes des différents partis
Licenciée en droit, Mme Dominique Simonet, remplissant simultanément deux mandats en tant que Vice-présidente et Ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche scientifique et des Relations internationales de la Communauté française d’une part, et Ministre de la Recherche, des Technologies nouvelles et des Relations extérieures de la Région wallonne, d’autre part, représente le parti du Cdh. Pour Mme Simonet, la mise sur pied du centre spatial de Liège et du Giga ainsi que l’aspect pluridisciplinaire de tels centres de recherche sont relativement importants. Elle souligne également le rôle essentiel du ministre en charge en tant que coordinateur de ces différents pôles d’intérêt. Pour elle, la création d’un pôle d’attraction inter-universitaire « nord-sud » permet le travail commun, la coordination et la valorisation du savoir. Mais cela laisse encore, pour Mme la Ministre, un goût de trop peu. Enfin, Mme Simonet insiste également sur l’importance qu’elle accorde aux recherches réalisées dans les domaines de l’énergie renouvelable et de la gestion climatique.
Egalement licencié en droit, Mr. Jean-Claude Marcourt est Ministre de l’Economie, de l’Emploi et du Commerce extérieur de la Région wallonne et représente le Parti Socialiste (PS). Il rappelle premièrement les ambitions des Chefs d’Etat et de Gouvernements européens à atteindre, d’ici 2010, des valeurs d’investissement en recherche équivalentes à 3% du PIB (Barcelone, 2002). Il expose ensuite les différents moyens pouvant être mis en œuvre afin de soutenir la recherche dont la défiscalisation des universités à différents taux, la nécessité de mieux coordonner l’espace belge de la recherche. Pour lui, la fragmentation constitue un point négatif majeur de la recherche belge. Il trouve également intéressant de revaloriser la carrière du chercheur et tout ce que cela implique. Pour terminer, Mr. Marcourt insiste sur la nécessité de favoriser le développement et l’utilisation d’énergies renouvelables.
Docteur en Médecine, Mr. Daniel Bacquelaine préside depuis 1999 le groupe du Mouvement Réformateur (MR) de la Chambre des représentants. Membre du Bureau de l’Assemblée, il est membre effectif des commissions Santé publique, Poursuites, Dépenses électorales, Règlement et Réforme du Travail parlementaire de la Chambre. Mr. Bacquelaine accentue le fait que la première nécessité politique au niveau de la recherche est la liberté de cette dernière. Est-elle toujours garantie ? Il aborde quelques sujets tels que la polémique présente au sujet de la recherche effectuée à partir de cellules souches ou encore la controverse concernant l’utilisation des O.G.M. Il lui semble évident que la recherche en tant que telle doit se développer sans objectif quantifiable et représente bien souvent une aventure vers l’inconnu. Il rappelle également brièvement les objectifs de financement évoqués à Barcelone et propose d’aller plus loin dans le cadre de la défiscalisation, notamment lors des dépôts de brevets.
Finalement, Mr. Philippe Henri, ingénieur civil et titulaire d’un master en management, se présente en tant que directeur politique Ecolo. Comme ses « adversaires », il rappelle également quelques chiffres tels que l’objectif d’atteindre les 3% du PIB en ce qui concerne les investissements en R&D au sein de l’Union Européenne. Malheureusement, après une hausse assez prometteuse permettant de passer de 1,69 % à une part de 2,17 % du PIB consacrée à la recherche, une chute de 0,24 % est observée. Il axe principalement son discours autour de deux points essentiels. Le premier concerne le défi climatique pour lequel il rappelle l’objectif de diviser les émissions de CO2 par 4 et l’importance du développement de nouvelles technologies et de l’utilisation d’énergies renouvelables. Le second point essentiel de son exposé est l’importance des efforts à mettre en jeu afin d’éviter le déséquilibre entre la recherche fondamentale et appliquée. Il ne discute pas l’intérêt de la création de Spin-offs et du développement mais rappelle le rôle primordial de la recherche fondamentale dans le développement de la recherche appliquée. Pour terminer, il souligne le rôle du secteur fédéral en tant qu’impulsion (un minimum de coordination est essentiel au développement de la recherche) et l’importance de simplifier la vie du chercheur lui-même.
Le débat
Question 1
Dans une première question, le manque de chercheurs en Wallonie est évoqué ainsi que le problème du financement de la recherche appliquée et de la recherche fondamentale. La Belgique n’avance pas assez vite par rapport au reste du monde (U.S.A.).
Réponse 1
Mr. Henry (Ecolo) ne nie pas le déséquilibre existant entre les axes de recherche fondamentale et appliquée ni l’existence de philosophies de recherche différentes existant entre les U.S.A. et la Belgique, accusée d’une hiérarchie trop importante et d’un esprit de concurrence trop marqué. Il compare notre système à celui des Flamands. Il fait clairement ressortir que ces derniers possèdent plus de moyens financiers et que les Wallons sont en retard dans ce domaine. Pour lui, la suggestion d’imiter le système américain pourrait être envisagée mais ne suggère, toutefois, de ne reprendre qu’une partie de celui-ci. Selon lui, il est primordial de commencer par la résolution des problèmes de déséquilibre et de désorganisation présents en Belgique.
Selon Mme Simonet (Cdh), la recherche fondamentale est essentielle. Elle rappelle qu’au niveau belge, la structure est telle que la recherche fondamentale est financée par la Communauté française et la recherche appliquée par la Région wallonne. Le financement de la recherche au sens global est donc dépendant de deux niveaux de pouvoirs distincts. A son grand regret, il en résulte, dès lors, une grande difficulté de contrôle.
Mr. Bacquelaine (MR) souligne que la recherche fondamentale nourrit la recherche appliquée ainsi que le rôle indispensable de cette première. De plus, il rappelle que le volume financier alloué à la recherche est proportionnel au niveau de croissance de la Belgique.
Mr. Marcourt (PS) précise que les industries ont besoin de la recherche fondamentale afin de pouvoir créer de nouveaux produits. Pour lui, il est important de décloisonner les universités dans le but d’améliorer et de favoriser les interactions entre les chercheurs. La Région wallonne a dégagé de l’argent pour la recherche appliquée dans le cadre du plan Marshall. Selon Mr. Marcourt, les chercheurs wallons constituent la richesse de la Wallonie.
Question 2
Une deuxième question a permis de mettre en évidence les efforts des politiques en matière de recherche, ainsi que les avancées réalisées jusqu’alors. Toutefois, certains points restent à améliorer. Par exemple, la rédaction de projets de recherche fait partie d’un moment essentiel dans la vie d’un chercheur au même titre que la rédaction du rapport de recherche ou de l’article scientifique relatant les résultats obtenus. Cependant, un dysfonctionnement est actuellement observé au niveau des pairs. La Belgique présentant une surface relativement restreinte par rapport à d’autres états, le nombre d’experts présents dans l’ensemble de domaines de recherche est limité. Les scientifiques reviewers sont alors placés dans une situation de conflits d’intérêts. Il pourrait, dès lors, être intéressant de pouvoir faire appel à des sociétés spécialisées dans la rédaction de projets, tout en veillant à conserver le but recherché par le scientifique. Une remarque est toutefois faite par rapport aux grands regroupements d’équipes de recherche. En effet, ceux-ci risquent de diminuer la saine concurrence qui fait avancer les projets.
Réponse 2
La réaction de Mme Simonet face à ce commentaire est un rappel de l’importance des réseaux. Pour elle, le modèle des petits pays peut être utile à observer. La Flandre, notamment, fait appel à des experts internationaux. Un regroupement des petits pays ou la création d’un bureau chargé de l’évaluation et de la réorientation de la recherche pourrait, selon elle, être une voie utile dans la construction d’une masse critique.
Mr. Marcourt suggère, par contre, de modifier le fonctionnement en place. Selon ce dernier, le système appliqué actuellement est trop lourd car trop hiérarchisé. Ce problème est présent au niveau européen mais également au niveau des entreprises. Il suggère également l’établissement d’un bureau de reviewers international.
Un rappel est toutefois réalisé par rapport au recrutement des experts étrangers dans le plan Marshall.
Selon Mr. Henry, il serait intéressant de procéder à un « état des lieux » des publications belges. Ce dernier soulève également l’importance de l’implication des industriels dans le choix des projets. Même si l’Europe met en place des systèmes d’accréditation, il serait nécessaire de réorienter l’intérêt de la recherche.
Enfin, Mr. Bacquelaine propose une réflexion sur le statut du chercheur. Pourquoi les chercheurs ne reviennent-ils pas ? Selon ce dernier, la politique n’est pas unique responsable des problèmes soulevés. Cette fuite des cerveaux n’est pas synonyme de mobilité. Il devient nécessaire d’améliorer l’attractivité du statut du chercheur (telle qu’une meilleure stabilité, des perspectives d’avenir plus intéressantes ou un avenir, tout simplement). En effet, le besoin d’un régime plus stable se fait de plus en plus sentir mais le chercheur doit également pouvoir se réorienter plus facilement.
Question 3
La troisième question interroge les représentants des partis sur le danger potentiel de suppression de budget de la recherche suite aux élections du 10 juin 2007.
Réponse 3
Mr. Henry confirme qu’il existe effectivement un risque que le budget alloué à la recherche soit supprimé. Selon lui, une négociation devra être réalisée avec le nouveau gouvernement. Cependant, il se veut rassurant et précise que le maintien d’un budget réservé à la recherche sera défendu par son parti.
Mr. Marcourt affirme que les prochaines négociations risquent d’être relativement difficiles. Néanmoins, selon lui, il n’est nullement question de régionaliser ce domaine. L’aboutissement de toute négociation dépendra toutefois de la composition du nouveau gouvernement et selon la position prise par la partie flamande où la recherche n’occupe pas la première ligne des préoccupations dans la politique de régionalisation.
Mr. Bacquelaine porte un discours similaire.
Mme Simonet rapporte les dires du premier ministre selon lesquels la recherche est importante et présente de nombreux intérêts. Selon elle, ces futures négociations sont donc nécessaires.
Question 4
La fuite des cerveaux est le thème de cette dernière question. D’où vient cette fuite ? Il souligne d’autres points non encore abordés au cours de cette soirée tels que le problème des index de citation, le manque de postes universitaires, la différence à faire entre la recherche fondamentale dite « marchande » et la recherche fondamentale dite « des théoriciens », etc. Quelle est la place accordée à cette dernière catégorie ?
Réponse 4
Mr. Henry suggère un problème de cotes ainsi qu’un rééquilibrage nécessaire quant à la répartition de l’ensemble des filières de recherche. Ce travail nécessite une écoute de l’ensemble des domaines de recherche.
Un refinancement est la solution apportée par Mr. Marcourt. Il est important, selon lui, de revoir la carrière du chercheur, de favoriser la mobilité de ceux-ci mais tout en leur permettant de revenir. Concernant les autres sujets abordés, il souligne que la recherche fondamentale ne s’oppose pas à la recherche appliquée et que l’ensemble des secteurs doit être maintenu et développé.
Mme Simonet s’interroge sur les capacités du monde politique quant à la détermination exacte des besoins dans le domaine des sciences. Les politiciens sont-ils aptes à réaliser la meilleure affectation des moyens mis au service de la science ?
Finalement, Mr. Bacquelaine suggère d’engager davantage de chercheurs et aborde le problème de la défiscalisation, de la diminution du taux de TVA concernant l’achat d’équipements de laboratoire, etc.