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Jacques Thierie

Posted by beablenews sur septembre 4, 2007

Background
1. Quelle(s) formation(s) avez-vous suivie(s) lors de vos études ?
En 1972, j’ai obtenu une licence en sciences chimiques et l’agrégation de l’enseignement secondaire supérieur. A ce moment, une grave crise familiale m’a empêché d’entamer un doctorat et j’ai dû travailler pour gagner ma vie. Cet événement est déterminant pour la suite de ma carrière.

2. Durant combien de temps avez-vous cherché du travail, après avoir terminé vos études ?
Dans les années 70, c’était la guerre froide et les garçons étaient obligés de faire un service militaire. Comme je ne voulais pas, j’ai défendu, et obtenu, devant les tribunaux le statut d’objecteur de conscience pour des raisons philosophiques. J’ai attendu 1 an mon incorporation dans le Service Civil du Ministère de l’Intérieur. Durant cette période, pas de travail possible : le statut d’objecteur de conscience était assez mal vu. Ensuite, j’ai presté 24 mois de service civil. A la fin de ce service, j’ai trouvé du travail en quelques mois, dans le privé (industrie pharmaceutique).

3. Quelle méthode avez-vous appliquée afin de trouver du travail ?
On essaie évidemment toutes les méthodes (d’avant Internet à la maison). Personnellement, j’ai trouvé l’emploi sous la rubrique « emploi » d’un journal. La crise pétrolière de 73 était déjà fort perceptible, les emplois devenaient plus rares, mais la situation était moins grave alors qu’elle ne l’est maintenant, me semble-t-il.

4. Pouvez-vous, en quelques mots, nous expliquer le parcours professionnel que vous avez suivi ?
Mon rêve d’enfant (10-12 ans, sans que je sache pourquoi) était de devenir chercheur. J’ai donc « navigué » beaucoup, de place en place, toujours dans l’espoir de me rapprocher de cet idéal ou pour des raisons « alimentaires » (il y a eu du privé, de l’administratif (technique) et de l’enseignement). Finalement, j’ai été engagé dans le service du Prof. Ilya Prigogine (prix Nobel) à l’ULB, où j’avais présenté mon travail de fin d’études. Ce service était remarquable parce qu’il n’existait de fermeture à aucun problème et des sujets comme la thermodynamique des processus irréversibles, l’optique, les processus markoviens et différentes approches biologiques étaient abordés. J’ai travaillé là essentiellement sur des sujets à caractère biologique (système immunitaire, modèle neurologique de Hodgkins, …) mais aussi en génie chimique pour les industries Solvay. A la retraite de Prigogine, le service s’est réorganisé et, en tant que service de Chimie-Physique théorique II, l’approche biologique s’est limitée aux « noyaux » les plus développés. Il faut dire que la critique de la manière prigoginienne de faire de la science s’était manifestée depuis longtemps et prenait un ton plus catégorique. J’ai alors quitté le service, principalement pour voir si les principes théoriques pouvaient s’appliquer réellement à des situations biologiques complexes réelles. J’ai alors pris un statut de chercheur libre, entrecoupé de jobs plus ou moins alimentaires. Le hasard m’a fait connaître la problématique des stations d’épuration : véritable synthèse entre le « génie biotechnologique » et les systèmes complexes, stochastiques et forcés. Après plus de dix ans passés dans ce domaine, avec des hauts et des bas sur le plan financier, j’ai rajouté à mes activités de l’enseignement dans le supérieur de promotion sociale et dans l’enseignement technique.

Evaluation personnelle de votre parcours professionnel
1. Avez-vous rencontré des difficultés dans votre parcours professionnel ? Comment les avez-vous résolues ?
J’ai évidemment rencontré beaucoup de difficultés dans ce parcours professionnel. Il n’existe, à mon point de vue, pas de règles générales pour résoudre ce genre de problème. La souplesse et l’improvisation, de même qu’une bonne faculté d’adaptation et une bonne résilience sont des facteurs favorables. Mais chaque problème exige sa solution propre. A titre d’exemple, le budget d’une recherche est beaucoup plus élevé pour un docteur que pour un licencié. Pour avoir des contrats plus facilement (entre autres), j’ai passé mon doctorat le plus tard possible (en 2005 seulement).

2. Votre parcours professionnel vous a-t-il demandé/vous demande-t-il toujours beaucoup de sacrifices (personnels, familiaux, horaires contraignants, …) ?

Oui. J’ai sacrifié et je sacrifie encore beaucoup de « choses » (avec la complicité de ma femme) qu’une carrière boulot-métro-dodo permet.

3. Avez-vous, à un moment, décidé de quitter la Belgique pour aller travailler à l’étranger ? Si oui, quelles en étaient les raisons et comment vous y êtes pris pour trouver ce travail (temporaire ou définitif) à l’étranger ? Avez-vous rencontré/résolu certaines difficultés ?

J’ai envisagé cette hypothèse à une époque, mais il fallait alors sacrifier la carrière professionnelle de ma femme, à laquelle elle tenait beaucoup. J’ai donc renoncé.

4. Et si c’était à refaire… ?
Je referais … en essayant, expérience aidant, d’éviter quelques pièges. Mais ce n’est sans doute qu’une illusion : « on ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve ».


Fonction actuelle

1. Quelle est votre situation/fonction actuelle ?
Je suis alternativement chercheur libre (bénévole) et chercheur sur fonds extérieur (rémunéré). Pour financer ce type de vie professionnelle un peu précaire, je fais de l’enseignement spécialisé (supérieur et secondaire) à temps partiel.

2. Quelles sont les qualités nécessaires pour pouvoir remplir une telle fonction ?
Il faut évidemment pouvoir passer assez facilement d’un mode de fonctionnement à un autre, puisqu’il s’agit de plusieurs fonctions différentes. En gros, les qualités sont les mêmes que celles déjà énumérées dans le paragraphe précédent, point 1.

3. Vos études vous ont-elles bien préparé à votre fonction actuelle ?
J’ai eu de très bons « profs » et d’autres … moins bons. De 1972 à 2007, mes études sont dépassées, évidemment. Comme je me sens encore très « dans le coup », j’en conclus que j’ai appris à apprendre. A côté des enseignements « techniques », il faut pouvoir développer son aptitude à « s’auto-former ».

4. Quels sont, pour vous, les avantages et les inconvénients de votre fonction actuelle ?
Avantages : je réalise un idéal qui me vient de l’enfance et qui ne m’a jamais quitté avec un atout remarquable : une énorme liberté d’agir et de penser.
Inconvénients : sacrifices et précarité.

5. Votre situation actuelle est-elle celle que vous aviez imaginée en sortant de vos études ? Si non, quels étaient vos premiers objectifs ?
Je pense que les réponses qui précèdent répondent à cette question.

6. Regrettez-vous certains choix pris dans le cadre de votre parcours professionnel ?
J’ai évidemment commis des erreurs. Je crois que les regrets sont inutiles. Du reste, j’ai appris que, parfois, un « mauvais choix » finit par déboucher sur une option inattendue et favorable.

Vision de votre avenir professionnel
1. Avez-vous personnellement, dans votre fonction actuelle, des perspectives d’avenir ? Désirez-vous continuer dans le même secteur ?
A 58 ans, l’essentiel de mes activités est derrière moi. Je désire continuer dans le même secteur, pour ce qui concerne la recherche… mais je suis continuellement en quête de changements et de projets novateurs.

2. Est-ce, de manière générale, un secteur où les perspectives d’emploi sont bonnes ?
Le secteur de la recherche crée peu d’emploi. C’est une évidence (en Belgique et ailleurs), particulièrement dans le domaine fondamental. Les politiques ne cessent de le proclamer mais les réalisations sont plus que modestes. Ce secteur n’est pas « porteur » pour se faire élire.

Conseils aux jeunes diplômés
1. Conseilleriez-vous les études que vous avez réalisées à une personne désireuse d’occuper une fonction similaire à la vôtre ?
Je conseillerais volontiers des études scientifiques à quiconque serait intéressé, par contre, je crois que ma situation ne représente pas un pôle d’intérêt majeur pour quiconque. Si ?

2. Avez-vous des conseils à donner aux jeunes scientifiques nouveaux diplômés ?
Je pense sincèrement que l’expérience ne se transmet pas. Chacun fait ses erreurs et ses succès à sa manière. Je ne crois pas beaucoup aux plans de carrière : ils ne tiennent jamais compte, par définition, des aléas possibles ; de plus, nous changeons au cours d’une vie et les centres d’intérêts peuvent se déplacer beaucoup plus qu’on ne le pense. Par contre, je crois aux idéaux : il faut essayer de concrétiser ses rêves. Quelques petits adages que j’aime bien :
– « On ne regrette pas ce que l’on a fait : on regrette ce que l’on n’a pas fait. »
– « On a le droit d’échouer mais on n’a pas le droit de ne pas essayer. »
Je regrette beaucoup de ne pouvoir fournir une formule magique pour réussir sa vie je pense qu’il n’y en a pas : « Il n’y a pas de chemin, on trace le chemin en marchant. »
Quant à moi, je me regarde dans mon miroir sans rougir.

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